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La Nuit du faune de Romain Lucazeau chez Weirdhalolic – critiques cérébrales de livres ou de films bizarres (on ne peut pas dire qu’il n’annonce pas la couleur).


 

Petit aparté du dimanche matin (oui je sais, les gens normaux dorment le dimanche matin) : d’habitude je ne commente pas les critiques des livres que je publie et j’essaye d’intervenir le moins possible sur les blogs et autres devantures médiatiques de ceux qui les publient (certains écarts passés ont été à juste titre sanctionnés), il m’arrive parfois d’envoyer un petit message de remerciement ou au contraire de râler car il y a une erreur factuelle, d’orthographe ; la pauvre Peng Shepherd est devenue Sheperd ou Shepard plus souvent qu’à son tour.

La critique de Weirdaholic, en lien plus haut, me semble formidable a plus d’un titre, sans doute parce que je suis d’accord avec la vision qu’il a du roman de Romain Lucazeau et donc cette critique fouillée me flatte, bien évidemment. Elle me semble formidable aussi par son scope d’analyse littéraire et sa volonté de mise en perspective vis à vis de l’histoire de la littérature (ça a l’air redondant, mais pas vraiment, il y a une notion de largeur, puis de profondeur ; quand on fait de la photo on sait que ce n’est pas la même chose…). J’ai appris plein de choses, et comme je suis d’un naturel curieux, j’ai apprécié d’apprendre toutes ces choses. Passons, sinon les chevilles de cet étonnant Weirdaholic vont exploser. Cette critique, et ça n’échappera sans doute à personne, s’ajoute à d’autres critiques de La Nuit du faune différentes mais tout aussi remarquables d’Apophis, Feyd Rautha et Gromovar, qui chacun à sa manière s’est extrait de la binarité j’aime/j’aime pas pour proposer une critique personnelle, fouillée. L’adjectif « personnel » me semble important dans le sens où on oublie volontiers qu’un blog n’est pas un espace « institutionnel ».

Et donc j’en arrive à ma réflexion du dimanche matin. Quand j’ai débarqué avec mes étranges t-shirts chez Albin Michel en 2017, Florence Godfernaux qui dirige le service de presse (dix-sept attachées de presse, quand même, si ma mémoire est bonne) m’a dit : « au marketing, ils privilégient le nombre d’abonnés, l’affluence, le trafic des influenceurs, nous on s’intéresse aussi à la qualité des papiers, notamment pour les titres de Francis Geffard. » Bon, sous-entendu il faut les deux, des papiers de blogueuses qui ont un chat, deux enfants turbulents et 17 000 abonnés et des critiques de lectrices ou lecteurs qui prennent la place pour publier une « critique de psychopathe » et n’auront jamais probablement 17 000 abonnés, surtout s’ils utilisent des mots comme ménippée ou non-baryonique.

L’espace dévolu à l’imaginaire dans la presse traditionnelle, je serais bien en mal de vous affirmer s’il a diminué ou augmenté depuis que j’ai commencé mon travail dans l’édition en 1996, il me semble qu’il y a des livres qui traversent toutes les résistances et d’autres qui n’y arriveront jamais. Et ce n’est pas forcément une question de genre littéraire. Les raisons sont complexes et parfois étranges, dans le sens irrationnelles. Il est plus facile d’avoir un papier sur Gnomon de Nick Harkaway car Nick Harkaway est le fils de John Le Carré qu’un papier sur Émissaires des morts d’Adam-Troy Castro, qui n’est pas le fils de Fidel Castro. Le roman du lancement (Mage de bataille, Anatèm, American Elsewhere, Les étoiles sont légion) qui a eu le plus de presse traditionelle est Mage de bataille de Peter A. Flannery qui a même eu sa chronique sur France Culture ! (pas mal pour une pizza, Peter, private joke), un an auparavant j’aurais mis ma main à couper que ce serait Anatèm de Neal Stephenson (n°1 des ventes du New York Times et magnifiquement ignoré par la presse française, sauf Hubert Prolongeau dans Télérama) et j’aurais donc fini manchot.

Donc tous ces blogs, tous ces comptes instagram avec qui nous créons du lien (je dis nous car je travaille avec Claire Lajonchère au marketing qui m’est d’une grande aide), à qui nous envoyons des SPs, etc, ils n’ont pas qu’une fonction « marketing », même si je ne la nie pas ; ils permettent à l’éditeur (moi) de présenter aux lecteurs des livres et des auteurs, de les faire découvrir, avec passion, discernement, humour, chaque influenceur a sa manière qui d’ailleurs peut varier d’un billet à l’autre (je pense ici particulièrement au facétieux Chien Critique). Des fois, ça coince, il y a de mauvaises critiques, c’est la vie. En retour, ces mêmes blogs permettent de formidables découvertes (je ne compte plus le nombre de BDs que j’ai achetées à cause d’un papier de Gromovar, de Yossarian ou de Yuyine, etc). Le joli succès du roman d’Émilie Querbalec, Quitter les monts d’automne, qui n’a globalement eu aucune presse, nous le devons en partie aux formidables billets qu’elle a eu ici et là, l’autre partie c’est évidemment le travail des libraires qui ont aimé le livre et l’ont défendu bec et ongles.

Bref, ce lien avec la blogosphère existe, cet espace de critique, profonde ou légère (les deux me vont, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit), a été créé, et je compte bien continuer comme ça à défendre mes autrices et auteurs (parfois je dois bien reconnaître que j’ai des sueurs froides, quand une lectrice qui lit plutôt du young adult et du manga me demande Gnomon en SP, par exemple, mais bon, parfois ça matche et là ça devient « magique », après sur Gnomon ça a été plutôt rare, soyons honnêtes. Le requin a de l’appétit.).

Sinon La Nuit du faune c’est génial et Adam-Troy Castro, c’est bien aussi, dans un tout autre registre. Mais vous n’êtes pas forcés de me croire.

GD

 

Pe///

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