Albin Michel Imaginaire : Même si deux de vos nouvelles ont été publiées en français dans le magazine canadien Solaris, les lecteurs français ne vous connaissent pas. Pourriez-vous vous présenter et nous expliquer d’où vient votre nom de famille si particulier ?
Derek Künksen : Bien sûr ! J’ai suivi des études de biologie moléculaire et j’ai toujours aimé les sciences. J’ai ensuite continué d’enrichir mes connaissances scientifiques quand j’ai rejoint le service extérieur canadien. Finalement, j’ai commencé à vendre des histoires de Hard-Science [NDE : première publication en 2006], principalement au magazine américain Asimov’s, mais aussi aux magazines Analog, Clarkesworld et Beneath Ceaseless Skies.
Pour ce qui est de mon nom de famille, mon père a immigré de l’Allemagne pour venir vivre au Canada où il a rencontré ma mère, qui est québécoise. J’ai bénéficié d’une éducation anglophone dans la campagne ontarienne, une éducation toutefois marquée par de fortes influences des cultures allemande et franco-canadienne.
AMI : Votre premier roman, Le Magicien quantique, a été publié en épisodes dans le magazine américain Analog si je ne me trompe pas, puis traduit en mandarin, avant d’être publié en trade paperback chez l’éditeur Solaris. Un parcours somme toute assez inhabituel, pourriez-vous nous raconter cela ?
DK : Dès 2008, des éditeurs de magazines étrangers se sont montrés intéressés par certaines de mes nouvelles. Il semblerait que plusieurs d’entre eux les avaient lues dans le magazine Asimov’s. J’avais déjà été traduit en tchèque, polonais et russe quand la maison d’édition chinoise SFWorld m’a contacté en 2014 à propos de l’une de mes histoires. Peu de temps après, ils avaient traduit et publié environ la moitié de mes nouvelles de SF, et me demandaient si je n’en avais pas d’autres qu’ils pourraient traduire. Je venais juste de vendre Le Magicien quantique à Solaris Books au Royaume-Uni, mais deux ans allaient séparer la signature du contrat de la parution en librairie. SFWorld a alors acheté Le Magicien quantique, et comme les délais de parution sont plus resserrés là-bas, l’édition chinoise est sortie quatre ou cinq mois avant l’édition anglaise.
Comme Le Magicien quantique se passait dans le même univers qu’une autre histoire que j’avais auparavant vendue chez eux, le magazine Analog y a jeté un œil et l’a retenu pour une publication en feuilleton, tout comme ils s’apprêtent à le faire pour mon troisième roman, The House of Styx, qui est le premier tome d’un nouveau diptyque [NDE : Le premier épisode de The House of Styx paraîtra dans le numéro de mars 2020 de la revue Analog]. Je suis très honoré qu’Analog ait retenu deux de mes romans pour les publier en feuilleton. C’est le premier magazine qui a publié La Stratégie Ender d’Orson Scott Card, Dune de Frank Herbert et Fondation d’Isaac Asimov. Cela dit, c’est un peu écrasant de s’inscrire dans cette tradition.
AMI : Vous avez voyagé plusieurs fois en Chine durant les deux dernières années, en tant qu’auteur de science-fiction cela doit être très étrange toutes ces informations qui nous arrive à propos du coronavirus là-bas ?
DK : J’ai effectivement été très chanceux d’avoir été invité en Chine plusieurs fois en tant qu’écrivain de science-fiction. Les fans là-bas sont très enthousiastes et je suis resté en contact avec des auteurs, des éditeurs et des lecteurs que j’avais rencontrés. Évidemment on ne peut que déplorer cette crise sanitaire publique qui, de plus est, a frappé la Chine au moment du Nouvel An lunaire. Un événement familial très important dans ce pays. Beaucoup de personnes ont dû renoncer à se déplacer et n’ont pas pu passer de temps avec leurs êtres chers.
AMI : Le Magicien quantique est un space opera. La Terre ne va pas bien ces derniers temps… Pourquoi avoir choisi d’écrire un space opera en tant que premier roman, plutôt qu’une fiction sur le climat ou bien un roman cyberpunk ?
DK : Le sense of wonder est une des choses qui m’attirent le plus dans la science-fiction. J’adore être transporté dans un tout autre univers, le regarder à travers des yeux nouveaux, en voir des aspects que je ne vois pas dans ma vie quotidienne. La plupart du temps, la vie sur Terre ne me donne pas ce sentiment d’étrange dépaysement. Dans Le Magicien quantique j’ai visité les profondeurs d’un océan extra-terrestre, un monde hyperspatial à vingt-deux dimensions, la folie religieuse de la Ville Libre Fantoche, différents astéroïdes, des vaisseaux spatiaux, et toutes sortes d’autres endroits.
AMI : Vous êtes revenus sur l’univers du Magicien quantique dans un autre roman, Le Jardin quantique, et vous en prévoyez un troisième, n’est-ce pas ?
DK : Effectivement ! Le monde du Magicien quantique contient tellement d’histoires que j’ai envie de raconter. Le Jardin quantique est une suite directe et je suis en train d’écrire un troisième volet, provisoirement intitulé La Guerre quantique. Toujours dans le même univers, mon dernier roman, The House of Styx traite d’événements ayant lieu 250 ans avant ceux du Magicien quantique.
AMI : Quel a été le dernier roman de science-fiction que vous ayez aimé ?
DK : Je viens de finir de lire A Memory Called Empire, d’Arkady Martine et j’ai réellement apprécié ce roman. La plume de l’auteure est puissante et j’ai été fascinée par sa culture littéraire.
Couverture : Manchu
Entretien réalisé début février 2020 par Gilles Dumay.
Traduction Lola Pihan.
Révision et corrections : Gilles Dumay.
Derek Künsken peut être satisfait, son roman fabrique une belle quantité de « sense of wonder ».
Merci pour l’entretien.