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AMI : Franck Ferric, le grand public ne vous connaît pas, pouvez-vous vous présenter ? Votre parcours personnel et votre parcours en tant qu’auteur.

Franck Ferric : Je me nomme Franck Ferric et j’ai 40 ans. Je vis dans le Centre de la France, où après des études d’Histoire (avec pour spécialité la police du livre juste avant la Révolution), j’exerce un job qui n’a à voir ni avec l’Histoire, ni avec les livres.

J’ai commencé à écrire il y a une vingtaine d’années. D’abord en produisant des scenarii de jeux de rôles sur lesquels je faisais jouer les copains. J’ai ensuite fait un peu de fanzinat, avant de publier ma première nouvelle « pro » en 2003, aux éditions de l’Oxymore. Depuis, j’ai commis une quarantaine de nouvelles et cinq romans, principalement fantasy. Et un peu post-apo, aussi.

 

AMI : Il s’est passé presque cinq ans entre la parution de Trois oboles pour Charon (Denoël, 2014) et Le Chant mortel du soleil, pourquoi tant de temps ?

Franck Ferric : Les aléas de la vie, d’abord. De chouettes (les premières années de ma fille). D’autres moins (les proches qui s’en vont pour de bon).

Et puis, début 2015, il y a aussi eu Charlie. Peu après la sortie de Trois Oboles pour Charon, j’avais commencé à défricher le terrain pour un nouveau projet, abordant un thème qui me trotte en tête depuis longtemps : la période de la Commune (avec des zombies et des extra-terrestres !) Mais l’attentat et ses suites ont absolument scié ma volonté de poursuivre ce projet. Je l’ai finalement mis de côté. Pour tenter d’y voir plus clair dans ce que devenait le monde, j’ai beaucoup lu. La fermentation de tout ça, souvent reprise à zéro à chaque nouveau drame, ici ou ailleurs, a formé la matière première du Chant Mortel du Soleil. Et la fermentation, c’est parfois long.

 

AMI : Ici, chez Albin Michel Imaginaire nous avons réduit votre roman à un pitch coup-de-poing « Ils sont affreux, sales et méchants. Ils ont décidé d’exterminer le dernier dieu sur Terre », mais votre roman parle de beaucoup d’autres choses, non ?

Franck Ferric : C’est une réduction tout à fait honnête : les personnages de ce roman sont véritablement affreux, sales et méchants !

Après Trois Oboles pour Charon, je croyais avoir vidé mon sac à propos de la foi, de la religion. Comme j’avais tort, il est encore beaucoup question de religion dans Le Chant Mortel du Soleil. Et aussi des conséquences culturelles de l’absence d’horizon transcendant. De la fin des idéaux. De nomadisme et de sédentarité. Des différents modes de domination (celle du prêtre, du prince, du soldat). Il y est aussi question de cuisine, avec la préparation du rat aux herbes. Mais sur ce point, je refuse de spoiler !

Il est toujours un peu délicat d’énumérer les ingrédients qu’en tant qu’auteur, on a cherché à intégrer dans une histoire. D’abord parce qu’ils ne seront pas nécessairement ceux que les lecteurs retiendront. Ensuite, parce qu’il est possible qu’on y ai laissé glisser des choses sans en avoir véritablement conscience.

 

AMI : Pouvez-vous nous présenter en quelques lignes votre héroïne : Kosum ?

Franck Ferric : Kosum est une dresseuse de chevaux, issue d’un peuple mécréant, que la religion dominante voue à la servitude. Au début du roman, elle travaille pour le compte d’un seigneur des Plaines. Elle est coriace, bagarreuse lorsqu’il le faut (c’est à dire assez souvent), si bien qu’elle se retrouve en fâcheuse posture dès le début de cette histoire. Mais là où la volonté de puissance et de domination précipite la chute de son entourage, Kosum s’en sort mieux.

Elle a aussi la particularité de disposer d’une piètre mémoire. Elle ignore son propre passé, et ce qu’elle garde de son vécu ne pèse jamais plus lourd que ce qu’un cavalier-flèche transporte dans ses fontes. Le regard naïf qu’elle porte sur le monde qu’elle traverse lui permet de conserver un espoir qui ternit vite chez les autres. À mes yeux, elle est l’héroïne de cette histoire. Et aussi la clef.

 

AMI : Le Chant mortel du soleil est une fantasy épique, mais aussi un roman très âpre, qui évoque le western spaghetti, les œuvres crépusculaires de Sam Peckinpah. Était-ce quelque chose de voulu, de conscient dès le départ ?

Franck Ferric : C’était conscient dès le départ (et pas uniquement à cause des chevaux). Je suis un grand fan de westerns spaghettis. Ces histoires sans triomphe ni gloire, où le bien et le mal sont peu identifiables. Aux anti-héros aux trognes cassées, poussés par des motivations personnelles, rarement honorables. Je voulais essayer de m’approcher de l’ambiance et du rythme de ces films. Et puis, un des thèmes secondaires du Chant Mortel du Soleil est la chute des empires. Tenter de recycler certains codes d’un genre cinématographique né de la décadence du péplum (ses empires, ses Hercules, ses Macistes) me semble finalement un assez juste retour de bâton !

Dans les westerns spaghettis, il y a aussi les paysages, immenses, sauvages, où le voyage est déjà une aventure en soi. On a les chocs de sense of wonder qu’on peut, mais mon tout premier vrai enthousiasme en fantasy (j’étais tout jeune) fut le Conan de Milius. Ce film fut d’ailleurs en partie tourné sur des lieux ayant servi de cadres à des westerns spaghettis. Je me souviens surtout de cette scène où Conan et Subotaï galopent au travers de la steppe, plantés dans leurs pagnes, avec la musique de Poledouris soufflant dans leur dos. Ce vertige du passage du temps, sur une terre éternelle où l’homme est toujours contingent, c’est le genre de sentiment que j’ai cherché à susciter dans mon roman.

 

AMI : C’est un roman très écrit avec une indéniable ambition poétique et philosophique ? On a l’impression que ça ne vous intéressait pas d’écrire une fantasy sans affronter la littérature, et la « condition humaine » ?

Franck Ferric : Je ne me suis pas vraiment posé la question. À mes yeux, la fantasy, ainsi que l’ensemble des genres de l’Imaginaire, SONT de la littérature, avec ce qu’elle offre de possibilités de jeux de styles, de richesses lexicales ou syntaxiques. Il n’y a aucune raison de se priver des possibilités de la langue, tant qu’elle sert le récit.

J’aime trop la philosophie pour oser prétendre en avoir véritablement développé à travers ce livre. Mais je suis persuadé que les littératures de l’Imaginaire constituent une élégante manière d’aborder les questions de notre temps. Les mythologies inventées, les récits de voyages rêvés, les chasses aux monstres, la prospection dans des futurs possibles, l’interrogation de passés qui auraient pu être : tout cela est une façon de se réapproprier une temporalité complexe, qui nous échappe chaque jour un peu plus, et dont on sent bien qu’elle ne nous mènera pas dans le meilleur des mondes.

 

AMI : Le roman sort sous une couverture très typée, presque bande-dessinée puisqu’elle est due à l’artiste Guillaume Sorel (L’Île des morts, Les derniers jours de Stefan Zweig). Quel est votre sentiment sur cette couverture, sur ce choix d’aller vers quelque chose de très revendiqué « fantasy barbare » ?

Franck Ferric : C’est d’abord une très grande chance que de bénéficier du travail de Guillaume Sorel pour habiller ce roman ! J’ai une culture BD tout à fait misérable, mais je connaissais ses couvertures pour Denoël ou le Bélial. Lorsque Gilles Dumay m’a proposé Sorel pour exécuter la couverture de mon bouquin, il n’y a guère eu à débattre. Et lorsque, par la suite, j’en ai causé à des copains vrais amateurs de BD ou BDistes eux-mêmes, ils n’ont fait que confirmer mon sentiment : j’étais un fieffé veinard.

J’adore cette couverture. Il y a du Conan là-dedans et ça me plaît. Elle annonce d’emblée que dessous, ce n’est pas de la fantasy peinte du bout des doigts.

 

AMI : Franck, quels sont vos projets pour le futur ?

Franck Ferric : Survivre à l’agenda de rencontres planifiées par AMI !

 

AMI : Franck, merci. 

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