Émissaires des morts, le premier volume du cycle Andrea Cort a paru le six janvier. Et nous en avons profité pour poser quelques questions à Adam-Troy Castro…

Illustration de Manchu (détail).

Albin Michel Imaginaire : La première question qui nous vient à l’esprit est : « comment allez-vous ? » Vous avez été récemment victime d’un vol d’identité et cette histoire, vue de France, semble incroyable.

Adam-Troy Castro : Pour des raisons de procédure, je ne suis pas libre de vous donner de détails sur cette situation exaspérante, mais je peux vous dire que nous sommes à quelques jours de retrouver une vie à peu près normale. Nous n’allons pas bien, évidemment, mais en grande partie grâce à la générosité de la communauté sf/fantasy/horreur, ça devrait vite aller mieux.

AMI : Les lecteurs français ne vous connaissent pas bien : seules quelques unes de vos nouvelles ont été traduites en français. Pouvez-vous vous présenter ?
ATC : J’ai écrit près de deux cents nouvelles et une bonne quinzaine de romans. La meilleure chose que je puisse dire pour me présenter à un nouveau public c’est que si vous avez lu quelques-unes de mes nouvelles qui appartiendrait à tel ou tel sous-genre particulier, en fait pour chacune d’elles je me suis inspiré d’auteurs qui surprennent et n’offrent au départ que peu d’indices sur le ton et la direction que va prendre ce que vous vous apprêtez à lire. J’ai écrit beaucoup d’histoires d’horreur et beaucoup d’histoires grotesques. Tout dépend de ce que je ressens au moment de leur rédaction.

AMI : Le personnage d’Andrea Cort, qui apparaît dans trois romans et dans une demi-douzaine de textes plus courts, semble différent dans votre bibliographie. Qu’est-ce qui vous plaît tant chez elle ?
ATC : Andrea Cort, qui est (canoniquement !) une lointaine descendante de Sherlock Holmes, est ce qu’on appelait autrefois un « détective ratiocinateur », qui résout des problèmes complexes en utilisant sa seule logique. C’est une descendante de Sherlock Holmes, mais aussi d’Ellery Queen, et j’aime, entre autres choses, le fait qu’elle soit d’un abord extrêmement compliqué, qu’elle accepte très difficilement les autres, même si beaucoup se portent volontaires.

AMI : Vous écrivez de la science-fiction, principalement. Pourquoi ? Quand on lit Émissaires des morts, on se dit que vous pourriez écrire du thriller contemporain, par exemple (ce qui vous offrirez probablement des chances de toucher un plus large public). C’est donc que vous trouvez la science-fiction a quelque chose de particulier ?
ATC : En fait, j’ai déjà écrit des thrillers contemporains. Notamment une novella intitulée « The Shallow End of the Pool », et plusieurs autres histoires criminelles. J’ai un roman policier, Behemoth, qui fait le tour des maisons d’édition depuis quelques années maintenant, et je vais bientôt tenter d’en écrire un autre. J’aime la science-fiction à cause des possibilités qu’elle offre, mais soyons clairs : toutes mes histoires mettent en scène la destruction d’êtres humains et en explorent les causes et les conséquences.

AMI : L’univers d’Andrea Cort est un univers assez sombre, un avenir qui ne semble pas beaucoup plus joyeux que notre présent. Vous sentez-vous pessimiste ou réaliste quant à l’avenir ?
ATC : Je suis pessimiste quant à notre avenir immédiat, et optimiste dans la mesure où je pense que des mondes meilleurs sont possibles et pourraient même bien voir le jour.

AMI : Il y a quelque chose d’absolument fascinant dans l’univers d’Andrea Cort, ce sont les races extraterrestres que vous avez créées. On dit que les extraterrestres sont soit des miroirs (des reflets de nous-même) soit des murs (complètement incompréhensible à nos yeux) ; j’ai l’impression que vous avez vous voulu nous faire toucher du doigt l’incompréhensible et, à son contact, nous permettre de le rendre un peu plus compréhensible.
ATC : Je suis un peu frustré par les « miroirs » comme mes Tchis et mes Bursteenis, qui peuvent nous parler en Mercantile conversationnel (le langage commun de l’époque d’Andrea). Je passe beaucoup de temps à les contrer avec des êtres extraterrestres qui pensent différemment, et avec lesquels toute tentative de communication est extrêmement difficile ; à mes yeux, les Vlhanis en représentent l’exemple récurrent le plus marquant.

AMI : Convenez-vous qu’il y a une dimension très politique dans les enquêtes d’Andrea Cort ? Et une dimension philosophique dans les interactions qu’elle peut avoir avec les races extraterrestres qu’elle rencontre ?
ATC : Quel que soit le genre, il s’agit toujours de confronter l’humanité à des problèmes terribles afin de voir comment les gens (ou les extraterrestres) vont réagir. Et oui, Andrea Cort vit dans un monde très politique. Je pense qu’Ayn Rand approuverait ce que le capitalisme ultralibéral a fait à certaines des planètes qu’elle visite. Et vous savez quoi ? Pour ma part, je ne l’approuve pas.

AMI : Notre planète ne va pas très bien, la conquête de l’espace est presque au point mort, les perspectives de sortie du Système solaire s’éloignent, le télescope d’Arecibo s’est effondré et vous continuez à écrire du space opera, pourquoi ?
ATC :Outre le fait que la science-fiction du Système Mercantile ne représente qu’une petite partie de ce que j’écris, je me permettrait de préciser qu’en plongeant un orteil dans ce sous-genre, je ne présente pas de feuille de route qui permettrait à cet avenir de voir le jour, puis de se maintenir. D’ailleurs, je ne dis pas grand-chose des voyages interstellaires propres à ce futur lointain. D’habitude, je présente l’endroit que les êtres humains ont atteint, puis je mets mes protagonistes à l’épreuve. C’est un peu comme parachuter des personnages dans un monde imaginaire. Certains écrivains s’intéressent aux infrastructures, au schéma directeur ; moi ce qui m’intéresse c’est l’humain. Par conséquent, j’ai écrit trois histoires pour les anthologies Dystopia Triptych. Il y est question de gens qui souffrent dans un avenir sombre et immédiat : de personnes qui sont piégées dans ce monde et vont êtres mis à l’épreuve par lui.

AMI : Pouvez-vous nous conseiller un livre de science-fiction récent ?

ATC : Genèse de la cité de N. K. Jemisin.

AMI : Merci, Adam-Troy.

_____________________________________

Notes :

« Wiped out by Identity Theft » : l’@dresse de la collecte de fonds et quelques précisions quant à cette incroyable histoire de vol d’identité :

https://www.gofundme.com/f/26ohtpc1ao

Genèse de la cité de N. K Jemisin est à paraître cette année chez J’ai Lu dans la collection Nouveaux Millénaires.

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