Anatèm, de Neal Stephenson, a été traduit par Jacques Collin.
Professionnel passionné et plein d’humour, il répond pour vous à quelques unes de nos questions sur cette traduction réputée insolvable!

AMI : Bonjour Jacques, on te connaît en tant que vaillant traducteur d’Anatèm, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur toi ?
Jacques Collin : J’exerce en tant que traducteur depuis plus de 35 ans et en parallèle, j’ai fait presque tous les métiers de l’édition. J’ai même monté mes propres maisons !
Concernant les traductions j’ai notamment travaillé sur V pour Vendetta d’Alan Moore, des romans de Christopher Priest ou de Tad Williams, Jim Morrison ou encore le Little Anny Fanny d’Harvey Kurtzman …
En comptant les métiers divers, j’ai travaillé sur 500 bouquins, au moins !

Avec toute cette expérience, comment est-ce qu’on aborde la traduction d’un livre comme Anatèm, qui joue autant avec la langue ?
Tout d’abord : ça fait plaisir. En tant que traducteur il y a deux types d’ouvrages : les faciles, qu’on oublie et les plus difficiles dont on se souvient assurément. Anatèm fait partie de ces ouvrages marquants.
Ce n’est pas vraiment qu’il était difficile à traduire, c’est plus une question de temps de travail et de recherche sur le texte.
Et quand un directeur de collection fait bien son travail, il assigne ses livres en fonction du caractère des traducteurs, ceux qui ont la bonne tournure d’esprit pour ce bouquin-là.

Ici par exemple sur toute la partie lexique, vocabulaire, j’ai travaillé pendant deux mois en amont. J’ai fait beaucoup de recherches sur comment j’allais traduire tel ou tel mot…
Dans ma carrière, j’ai traduit pas mal d’humour, où l’on demande aux traducteurs d’adapter, de créer… de garder un ton et un rythme d’humour, et le même nombre de blagues que dans l’original, même s’il faut les réinventer dans le style de l’auteur. Donc on prend l’habitude de jouer avec les mots, de fabriquer des néologismes…
C’est un travail qui me convient bien !

Oh! En plus il y a beaucoup d’humour dans ce livre !Neal Stephenson Anatèm Tome 1
Oui, de l’humour, de la littérature et des sciences.
Dans Anatèm il y a à la fois un aspect littéraire avec la philosophie et la culture, et toute la partie scientifique.
On passe de l’un à l’autre très facilement.

En effet, c’est un roman très fluide, ça se lit sans avoir besoin d’un manuel de sciences
Ça, c’est le talent de l’auteur au départ, le bouquin doit rester lisible sans une maîtrise de philo ou de physique quantique.
Alors mon travail c’est aussi de faire en sorte que ça demeure fluide, que le lecteur puisse lire le bouquin sans accrocs, comme s’il avait été écrit en français.

Par exemple, un mot comme « vachéché » comment tu l’as construit ?
Pour beaucoup des mots, j’ai travaillé à partir de l’étymologie croisée.
En partant de l’anglais puis en allant vers les constructions françaises.
Et en improvisant le reste du temps. Et celui-ci, c’est une illumination !*

D’ailleurs, est-ce que tu as un mot ou une expression préféré(e) dans cette traduction ?
Celui qui a épaté tout le monde et qui donne le ton du livre et du travail parce qu’il apparaît dès le début, c’est un terme technique : Foulx-thèses** ! Quand je l’ai trouvé, je me suis dit que c’était bien parti !
Sinon ça va de maths d’un bon niveau à des blagues comme certains mots ou expressions — totobono, par exemple.
On n’a vraiment pas besoin d’avoir fait de hautes études pour les comprendre, ça demeure un livre grand public !

Neal Stephenson Anatèm Tome 2Un moment préféré dans ce roman? J’imagine que tu le connais de fond en comble !
De mes souvenirs de première lecture, je dirais que ce livre est vraiment écrit par tableaux. C’est très impressionniste. Il est composé des touches plaisantes, émouvantes, d’autant plus dans un livre qui a de l’humour. Et justement, je n’en ai pas une, mais plein qui viennent à l’esprit, mais je ne peux pas en dire plus pour ne rien dévoiler du second tome ! ***

Dernière question, juste par curiosité… Un premier souvenir lié aux littératures de l’imaginaire ?
Ohlala… D’emblée je dirais probablement une série télé, mais plus probablement les J’ai lu des années 70 pour Dick et Heinlein, Asimov et Van Vogt. Dans la même veine, Harlan Ellison aux Humanoïdes Associés… mais surtout Phillip K. Dick !

*Vachéché est la traduction pour « fetch » dans le livre en VO. To fetch signifiant « aller chercher » en anglais 😉
**Dans la version originale le mot est «
bulshytt »
*** pour vous éviter des spoilers nous ne retranscrirons pas ici la suite de la discussion, le fil conducteur en étant le caractère de Fraa Erasmas, alliant notamment vivacité et bienveillance.


Anatèm
, de Neal Stephenson, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Collin
Couverture de Gaëlle Marco.
T.1 en librairie le 26 septembre 2018
T.2 à paraître le 31 octobre 2018
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